Jérôme part travailler au petit matin. Geste machinal, il enchaîne les journées et la routine. Éteindre son cerveau est fort pratique pour étouffer ses pensées car qui dit penser, dit questionner. N’est-ce pas là le propre de l’Homme selon Descartes ?
Oui mais Jérôme ne souhaite pas réfléchir ni douter. Il ne souhaite pas se rendre compte de la réalité. La vérité n’est guère plaisante. Il part du postulat qu’on ne choisit pas de naître ni d’être. Il préfère donc bêtement supporter plutôt que lutter quotidiennement.
Métro, boulot, dodo. Solitude, ennui et dépit. Voici son mantra.
Jérôme connaît son talent, il s’en sert à bon escient. Très mal reconnu par ses pairs, il essuie les critiques et les revers. Les vipères n’en ont que faire de le mettre à terre.
Les vipères coopèrent avec un système délétère dont l’objectif est de faire taire les éléments les plus contestataires. Un homme amoindri est un homme soumis et malléable à outrance.
Fût un temps, notre homme douta, pleura longtemps en silence. Il redoubla d’efforts tant et si bien qu’il en perdit la raison. Constatant que rien ne changeait dans l’autre camp, il comprit avec aigreur et mépris l’absurdité de la situation.
Jérôme n’avait pas à se remettre en question. Jérôme savait qu’il avait raison. Mais la raison n’éloigne pas la meute d’hyènes névrosées. Il laissa tomber ses complexes injustifiés pour adopter la posture du robot écervelé.
C’est ainsi que Jérôme décida d’accomplir son dur labeur, sans encombre ni douleur. Il règle son réveil tous les jours à la même heure, exécute ses tâches sans ardeur. Une ritournelle orchestrée avec brio pour oublier que dans l’histoire, ce n’est pas lui le blaireau.
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